Dégingandé, crâne chauve surmonté d’un chapeau noir, chemise à fleurs, comme un détective privé américain, ponctuant ses réponses par des « nooo… » bien sonores se plaisant à contredire son interlocuteur : James Ellroy a fait le show salle du Manège, jeudi 3 octobre à Vienne.

Il n’y avait « que » 250 fans de l’Américain, sans doute l’auteur le plus célèbre au monde dans ce domaine, au lieu des 450 ayant réservé leur place sur Internet, mais toutes et tous étaient suspendus à ses lèvres car l’homme se plaît à l’exercice et en acteur consommé, en fait des tonnes pour le plus grand bonheur de son public.

Un public loin d’être uniquement viennois car cet événement littéraire, cette présence à Vienne et non à Lyon ou Grenoble, avait attiré aussi bien des habitants de Chambéry, de Grenoble ou d’Annecy, mais même des Marseillais et des Belges. Normal, c’était la seule date de la « tournée » de James Ellroy en Auvergne-Rhône-Alpes et l’une de ses rares apparitions en France.

C’est la raison pour laquelle ils s’étaient mis en quatre pour organiser cette soirée littéraire hors norme : l’éditeur Rivages qui a « fait » Ellroy en France, la librairie Lucioles, ainsi que la médiathèque du Trente et l’Office du Tourisme de Vienne Condrieu Agglomération.

Un événement aussi car c’était la première fois depuis son ouverture qu’un auteur était invité pour une conférence suivie d’une dédicace, à la salle du Manège de l’espace Saint-Germain à Vienne.

On dit souvent que les auteurs ne sont pas les meilleurs lecteurs de leurs propres ouvrages. Ce n’est assurément pas vrai pour James Ellroy qui ouvre son show avec des grognements de chien et qui, comme un possédé, lit en ouverture de manière très extravertie un extrait de son dernier roman, « Les Enchanteurs », son dernier opus dont il vient faire la promotion en France.

Ensuite sur la scène du Manège, interrogé par Renaud Junillon de la librairie Lucioles aidé par une efficace traductrice, sous le masque de ses « noooo », ses mimiques, ses grognements, l’auteur de 76 ans finit par se livrer pour le plus grand bonheur du public présent au Manège.

Face aux questions de Renaud Junillon, traduites, l’empereur du polar égraine quelques indices sur son processus d’écriture et lâche quelques phrases bien senties : « Je suis là pour choquer, divertir et vous rendre obsédés par la manière dont j’écris mes romans ! »

A la question de savoir comment il place face à lui les deux grands initiateurs du roman noir américain, Dashiell Hammett et Raymond Chandler, il lance : « Dashiell Hammett et moi sommes l’alpha et l’omega du roman noir. Hammett est grand, mais je suis meilleur que lui ! »

En revanche, Raymond Chandler ne trouve pas grâce à ses yeux…

Enfin à la fin du show, il envoie une grande caresse en direction de son public: « Les Français sont les meilleurs lecteurs au monde de mes livres. J’en vends dix fois plus en France qu’aux États-Unis… »

Il admet qu’il a un immense plaisir à effectuer sa tournée rencontrant ses lecteurs dans l’Hexagone. Assurément, un sentiment partagé…

Comme quelques heures auparavant au Temple d’Auguste et Livie où s’était formée une longue file de 200 personnes, ses lecteurs se révèlent encore fort nombreux à la fin du show au Manège, pour soustraire une dédicace à l’auteur US aux vingt-trois romans noirs…