Même si ce chiffre doit être manié avec beaucoup de précautions, en moyenne, le parquet de Vienne traite près de 500 procédures de violences faites aux femmes chaque année. Une thématique prioritaire pour le gouvernement. Reste que cette lutte est complexe et difficile à mener et demande des moyens. C’est ce qu’a voulu signifier Audrey Quey, procureur de la République à Vienne dans un communiqué signé hier conjointement par toutes ses consœurs et confrères procureurs de France. Un texte qui dit beaucoup de choses sur ce combat inlassablement mené. Entretien avec la procureure de Vienne.
Quelles sont les statistiques sur les violences faites aux femmes sur le ressort du parquet de Vienne ?
Audrey Quey-Les statistiques de la Chancellerie sont complexes à analyser car elles ne se situent pas au même niveau, n’intégrant pas les circonstances aggravantes. Il faut donc les prendre avec précaution, mais si l’on veut schématiser, on peut dire que chaque année nous traitons environ 500 procédures.
Lors de la pandémie, en 2020 avez-vous constaté un plus grand nombre de procédures ?
En réalité, sur l’ensemble de l’année, non. Le chiffre est à peu près similaire à celui de 2019. Suite aux confinements, il y a cependant des flambées notables. Elles ont été concentrées au sortir du 1er confinement en mai et juin, elles ont été multipliées par trois sur le 2ème trimestre ; mais il n’y a pas eu de déferlante.
Dans le communiqué émis nationalement vous évoquez le manque de moyens des services. Pouvez-vous détailler ?
Cette démarche commune n’a pas pour objectif de nous dédouaner. Il faut tout-de-même rappeler que les 1ers responsables, ce n’est pas du tout la Justice, mais les auteurs des faits eux-mêmes, il ne faut pas l’oublier.
Nous disons dans ce texte que nous faisons tout ce que nous pouvons dans le cadre des moyens dont nous disposons pour travailler.
Nous sommes cinq au sein de notre parquet de Vienne et je ne peux allouer quelqu’un en permanence pour renforcer nos capacités de traitement des procédures sensibles.
Mais ne devriez-vous pas recevoir des renforts ?
A Vienne, nous devrions passer un jour à six, mais ce magistrat n’est pas encore nommé et je ne sais pas quand.
Le plus gros problème est aussi celui du greffe. On ne fait rien sans le greffe. Or, on doit nous retirer un fonctionnaire au greffe. J’ai actuellement 3 000 procédures qui n’ont pas été enregistrées, même si 2 000 d’entre elles ont été classées sans suite. Dans ces conditions, vous pouvez comprendre que malheureusement l’on n’est pas à l’abri d’une erreur d’aiguillage.
En face, nous avons eu depuis le début de l’année 47 dépêches et circulaires émanant de la Chancellerie, toutes plus urgentes les unes que les autres, mais sans que l’on mette en face des moyens supplémentaires.
Mais il faudra également renforcer les services de police et de gendarmerie, tout comme les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Une politique globale est nécessaire car renforcer un maillon de la chaîne sans renforcer les services en amont et en aval ne servira à rien.
Une des pistes mise en avant l’année dernière consistait en un projet de création d’un centre sur le territoire, destiné non pas aux femmes victimes de violences, mais à leurs auteurs qui seraient donc contraints de quitter le domicile conjugal, le tout accompagné sur place d’un suivi psychologique, éducatif et médical renforcé, le tout avec un objectif affiché de réinsertion. Où en est ce projet ?
Malheureusement il est au point mort et c’est un grand regret. Nous avions trouvé une maison à Pont-Evêque pour créer un tel centre, mais la municipalité de Pont-Evêque s’y est opposé et a fini par préempter le local.
Je connais l’implication réelle de la maire de Pont-Evêque dans la lutte contre les violences faites aux femmes, mais elle estimait qu’un tel lieu bien visible n’aurait pas été accepté par la population et proposait, elle, des logements diffus sur la commune, ce qui ne correspond pas à notre projet.
Nous sommes donc à nouveau à la recherche d’un local pour créer ce centre.
Qu’attendez-vous des Etats-Généraux de la Justice annoncés il y a peu par Emmanuel Macron ?
Nous attendons de ces Etats-Généraux qu’il nous disent ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas…
Photo (DR)-Audrey Quey, procureur de la République à Vienne