Vous étiez sur les bancs de l’assemblée nationale lors du discours de la 1ère ministre Elisabeth Borne, au moment de l’annonce de la mise en œuvre du 49.3. Comment avez-vous vécu ce moment particulièrement électrique ?
Caroline Abadie-C’était violent non seulement dans l’absolu, mais aussi pour nos institutions : le chant et l’exhibition de pancartes ne sont pas autorisés par la Constitution. Je peux vous dire que c’était le seul fait de la LFI, pas de la Nupes toute entière. J’ai même vu des députés de l’opposition applaudir Elisabeth Borne.
Sinon, il y avait un tel chahut, un tel bruit que comme la plupart de mes collègues je n’ai pas pu entendre le discours de la 1ère ministre !
Certains députés de la majorité, notamment du côté du Modem ont reconnu avoir eux-mêmes été choqués par l’utilisation du 49.3, et vous-même ?
Le 49.3 fait partie de nos institutions.
J’aurais bien sûr préféré que nous allions au vote, mais si le choix a été fait du 49.3 cela s’explique par l’incertitude sur l’issue finale.
Tout a basculé vers 14 heures et d’après les décomptes, cela aurait pu passer à une ou deux vois près ;sauf que, comme on l’a vu au Sénat où 6 voix ont fait défection au dernier moment, il y avait un risque que ceux qui avaient annoncé un vote favorable changent d’avis au dernier moment. Je ne sais pas si mes collègues de LR ont pu se regarder dans la glace ce matin…
En fait pour une certain nombre d’élus LR, le réforme des retraites est passée au second plan : ce qui s’est joué c’est en fait un remake de l’élection Pradié/Ciotti au sein de LR !
Je comprends donc bien que le gouvernement ait joué la carte de la sécurité.
Ce qui me choque le plus en fait, c’est que des élus LR n’ont pas voté pour une réforme qu’ils appellent pourtant de leurs vœux depuis de nombreuses années.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Lundi, le gouvernement engagera sa responsabilité à travers le vote d’une ou de plusieurs motions de censure. Ce qui signifie que le dernier mot reviendra bien à l’assemblée nationale.
Le 49.3 est un outil démocratique, démocratiquement adopté par les Français.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur a dit qu’il a accentué les mesures de protection et de sécurité en faveur des élus de la majorité. Vous-même, craignez-vous pour votre sécurité ?
Je sais que jeudi soir il y avait devant ma permanence à Vienne une vingtaine d’opposants à la réforme avec des stickers et des casseroles : cela ne me choque pas du tout, c’est le jeu démocratique. Et d’autre part, toutes les manifestations qui se sont déroulées à Vienne l’ont été avec un bon climat, sans exaction.
J’ai confiance dans la poursuite de cette attitude : les oppositions s’expriment, c’est tout-à-fait normal.
Il y a eu 8 manifestations à Vienne à l’initiative de l’intersyndicale, bientôt une 9ème jeudi prochain. Cette même intersyndicale vous a demandé de vous rencontrer. Que lui répondez-vous ?
J’avais effectivement reçu une demande de l’intersyndicale deux jours de mon départ à l’assemblée, je n’ai pas pu les recevoir, j’ai ensuite été malade.
Mais ma porte n’est absolument pas fermée, je n’ai pas de refus de principe, d’ailleurs je l’ai fait dans d’autres réformes précédentes.
Tout ce que je demande, c’est de recevoir séparément les membres de l’intersyndicale : j’aime rencontrer mes interlocuteurs dans un cadre propice à la discussion.
Et donc alors, maintenant, que va devenir cette réforme des retraites, si le gouvernement n’est pas renversé lundi, lors du vote de la motion de censure ?
Je souhaite maintenant que l’on connaît parfaitement le contenu de cette loi, qu’elle est définitive, que l’on regarde vraiment ce qu’elle contient.
Certes, il y a nombre de Français qui travailleront un peu plus ; mais, il y a eu, suite au passage à l’assemblée nationale, au Sénat, puis en commission mixte paritaire, beaucoup de mesures de justice sociale qui ont été ajoutées : l’amélioration des retraites, même pour des retraités actuels, dans le cadre du seuil à 1 200 euros , la surcote de 5% pour les femmes, etc. Je ne vais pas reprendre la liste en entier, mais elle est longue.
J’ose espérer que ce sera de nature à rassurer les opposants à la réforme…
Photo-Caroline Abadie, députée Renaissance, sur les bancs de l’assemblée nationale