Ce devait être l’un des événements de l’édition 2023 du Festival Berlioz : la présentation des « Troyens » l’opéra de Berlioz, fort peu joué et interprété par l’un des plus grands chefs d’orchestre du monde : John Eliot Gardiner, 80 ans, le chef qui s’était produit lors du couronnement de Richard III, excusez du peu !
Il était présent à la Côte-Saint-André, le 22 août, pour ce faire avec son orchestre, une phalange prestigieuse et le chœur l’accompagnant : l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique et le Monteverdi Choir.
Et effectivement à l’issue des deux premiers actes de cet opéra donné en deux parties (les trois derniers actes étant donnés le lendemain), ce fut une salve d’applaudissements. Le chef avait été à la hauteur de sa grande réputation.
Sauf, qu’à l’issue du concert, en coulisse, devant quelques rares artistes se déroula une scène surprenante : un bock de bière à la main, le grand chef gifla l’un des solistes, l’excellent William Thomas à qui il reprochait une vétille : être sorti de la scène du mauvais côté. Avec John Eliot Gardiner, les solistes et les choristes bougent en effet beaucoup sur scène, suite à une forte scénographie qui donne une vraie puissance à l’ensemble.
Cet épisode fâcheux aurait pu rester secret si un journaliste britannique ne l’avait appris et raconté, d’où un emballement médiatique qui dépassa le monde de l’art lyrique, avec des « unes » même dans des quotidiens britanniques et une reprise dans le monde entier.
Pour expliquer ce geste d’emportement, son entourage, cité dans les médias britanniques ont évoqué la forte chaleur (exact : il faisait très chaud ce soir là au château Louis XI), mais aussi un changement de traitement médical.
Bref, ce geste donna lieu à un tel pataquès que le chef britannique quitta les lieux rapidement pour retourner illico en Grande-Bretagne d’où il envoya ce communiqué : « Je prends du recul afin d’obtenir l’aide de spécialistes dont je reconnais avoir besoin depuis un certain temps ».
Et d’ajouter : « Je tiens à m’excuser auprès de mes collègues qui se sont sentis maltraités et de tous ceux qui pourraient se sentir déçus par ma décision de prendre du temps pour régler mes problèmes, a-t-il ajouté, disant avoir le coeur brisé d’avoir causé tant de détresse ».
C’est son assistant, Dinis Sousa, qui prit (d’ailleurs brillamment) la baguette le lendemain pour la deuxième partie des Troyens et qui assurera par ailleurs, les concerts de l’œuvre programmés lors d’une tournée en Europe.
Paradoxalement, cet événement rare a fait parler du Festival Berlioz de la Côte-Saint-André (5 000 habitants) dans le monde entier, concourant à la notoriété de ce Festival dirigé par Bruno Messina, qui, il est vrai, à son niveau de maturité actuel, n’en avait guère besoin.
Le festival qui vient de se terminer a attiré cette année 33 000 spectateurs, soit plus de six fois la population de la commune qui a vu naître Hector Berlioz !
John Eliot Gardiner, photo Festival Berlioz