Photo : le siège du Progrès à Lyon-Confluence (Groupe Cardinal)
Il est rare que des informations internes sortent du quotidien lyonnais Le Progrès. La rédaction comme la direction communiquent peu sur eux-mêmes.
Cette tradition vient d’être battue en brèche et de quelle manière ! Une lettre signée par 110 journalistes du quotidien régional Le Progrès a été publiée sur le bulletin du SNJ (Syndicat National des Journalistes).
Elle pointe les inégalités hommes/femmes au sein de cette entreprise de presse, en termes de responsabilités et de salaires et même de traitement de l’information !
« Ni dindes, ni chiennes de garde », précise d’emblée cette lettre signée par 110 journalistes du Progrès, sur les environ 260 que compte la rédaction.
L’initiative lancée à l’origine par le Parisien, mouvement pour l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes est en train de toucher de nombreuses rédactions. Il a commencé avec Le Parisien, L’Obs, puis Ouest-France et donc désormais Le Progrès.
« Hommes et femmes journalistes au Progrès, nous constatons que cette question de l’égalité n’est toujours pas prise au sérieux, que ce soit en termes de responsabilités, de salaires, ou de représentation du monde », lancent ainsi les 110 signataires ce jeudi.
Parmi les inégalités pointées du doigt : Le nombre de femmes parmi les postes de responsabilité : « Au sein de notre rédaction en chef, nous comptons une femme sur cinq personnes ; au siège lyonnais du Progrès, il y a deux femmes sur neuf chefs de service et chefs d’information », dénonce le collectif de journalistes.
Les salaires ensuite : « Parmi les 50 meilleurs salaires de journalistes, il y a 12 femmes… »
Dernier reproche : il va jusqu’aux choix éditoriaux du journal. Selon cette missive, une étude des journaux publiés par Le Progrès du 1er au 8 novembre montre que sur les 400 pages examinées, 439 hommes apparaissent, contre… 150 femmes.
« Nous savons qu’il y a encore beaucoup de choses à faire en matière d’égalité dans l’ensemble de la société. Pour autant, un média doit-il se contenter de refléter l’iniquité, voire de l’accentuer, sans s’interroger sur une représentation déséquilibrée ? », questionnent les journalistes du Progrès.
La direction du journal n’a pas encore réagi à cette lettre, ni en interne, ni à l’externe. Gageons que ce type d’initiatives ne va pas s’arrêter là pour voir le jour dans d’autres entreprises et pas seulement de presse…
Le texte de la Lettre :
» Au Progrès, ni dindes, ni chiennes de garde !
Nous constatons que l’égalité n’est pas un acquis au Progrès
Nous apportons notre soutien aux consœurs du Parisien, de L’Obs et de La Provence qui ont dénoncé les inégalités de traitement dans leurs rédactions. Ces inégalités sont particulièrement flagrantes au sein de nombreux médias. Elles appartiennent au vieux monde.
Hommes et femmes journalistes au Progrès, nous constatons que cette question de l’égalité n’est toujours pas prise au sérieux, que ce soit en termes de responsabilités, de salaires, ou de représentation du monde.
Au sein de notre rédaction en chef, nous comptons une femme sur cinq personnes; au siège lyonnais du Progrès, il y a deux femmes sur neuf chefs de service et chefs d’information; à la tête des éditions départementales, une femme pour trois hommes. L’avenir n’est pas plus paritaire : dans les six groupes de travail chargés de réfléchir à l’évolution de nos contenus print, il y a six pilotes, tous des hommes. En termes de rémunération, parmi les 50 meilleurs salaires de journalistes, il y a 12 femmes. Dans le top 30 des salaires de l’entreprise, quatre femmes. Pourtant, parmi les journalistes, les femmes représentent 43% des effectifs.
Une vision rétrograde
Nous constatons aussi un déséquilibre de traitement éditorial. Nous avons regardé la présence des femmes dans notre journal. Sur les photos de 400 pages (environ) examinées sur 18 jours (*), figurent 150 femmes et 439 hommes. Certes, nous savons qu’il y a encore beaucoup de choses à faire en matière d’égalité dans l’ensemble de la société. Pour autant, un média doit-il se contenter de refléter l’iniquité, voire de l’accentuer, sans s’interroger sur une représentation déséquilibrée ? D’autres le font…
Les femmes travaillent. Elles s’impliquent dans la vie politique, la vie économique, la vie associative. Pourtant, récemment, le très sérieux cabinet Bearing Point engagé pour conseiller notre journal sur son offre éditoriale a assuré (sans rire) que les lectrices ne s’intéressent pas, ou très peu, à « l’information pure ». Nous contestons cette vision rétrograde. Nous aurions aussi souhaité que notre direction ne se contente pas de qualifier cette affirmation de « maladroite », et qu’aucun cadre ne prononce le terme de « chiennes de garde » quand des journalistes femmes ont osé protester.
Ni dindes, ni chiennes de garde ! Hommes et femmes, nous revendiquons un traitement équitable, en termes de salaires et de responsabilités, ainsi que des choix rédactionnels sensibles aux attentes de tous.
(*) Méthodologie : séquences IG, Rhône, Lyon-Villeurbanne Caluire du 1ER au 18 novembre 2017. Photos où figurent moins de quatre personnes. A toutes fins utiles, nous précisons n’avoir pas pris en compte les pages consacrées au sport.
Cette lettre a été signée par 110 journalistes du Progrès. »